Pourquoi cet arbitrage est stratégique
Quand la phase amiable (relances, mise en demeure) n’aboutit pas, il faut engager une procédure judiciaire efficace, maîtriser les délais, et sécuriser l’issue jusqu’au titre exécutoire puis à l’exécution forcée. Le bon choix entre injonction de payer, référé provision et assignation dépend de quatre variables : exigibilité de la créance, niveau de contestationdu débiteur, preuve disponible, et urgence (trésorerie/risque de dilapidation).
1) Les prérequis incontournables
Exigibilité & preuve. La créance doit être certaine, liquide et exigible ; le dossier doit contenir contrat/BC, facture, CGV, preuve de livraison/réception, relances et mise en demeure (souvent recommandée AR).
Prescription. Vérifier les délais applicables et leur éventuelle interruption/suspension.
Accessoires. Entre professionnels, les pénalités de retard et l’indemnité forfaitaire de 40 € pour frais de recouvrement peuvent s’ajouter (prévue par le Code de commerce, avec possibilité d’indemnisation complémentaire si les frais réels sont supérieurs).
2) L’injonction de payer : rapide, écrite, efficace si non contesté
Quand ? Créance contractuelle ou statutaire d’un montant déterminé. Procédure surtout indiquée si le débiteur ne conteste pas sérieusement les faits.
Comment ? Dépôt d’une requête au tribunal compétent (commerce ou judiciaire selon les parties). En cas d’accueil, le juge rend une ordonnance d’injonction ; le débiteur peut former opposition. Sans opposition (ou après rejet), l’ordonnance devient exécutoire (titre), permettant les voies d’exécution.
Atouts. Coût/temps souvent favorables, charge procédurale limitée au départ.
Limites. L’opposition du débiteur “judiciarise” le dossier et rallonge les délais.
3) Le référé provision : l’urgence quand l’obligation n’est pas sérieusement contestable
Principe. Le juge des référés peut accorder une provision lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; il peut aussi ordonner l’exécution d’une obligation.
Conservatoires. Même en présence d’une contestation sérieuse, des mesures conservatoires peuvent être ordonnées en référé pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
Atouts. Délai généralement court, effet de levier sur le débiteur.
Limites. Nécessite un dossier probant ; si la contestation est solide, on bascule vers le fond.
4) L’assignation au fond : trancher la contestation
Quand ? En cas de litige substantiel (qualité, prix, prescription, compensation…), on assigne au fond pour obtenir une décision de justice sur le mérite (condamnation).
Atouts. Solution durable et opposable, base la plus solide pour l’exécution forcée.
Limites. Délais plus longs ; coût procédural plus élevé ; gestion active du contradictoire.
5) Après le titre : transformer en paiements (les voies d’exécution)
Une fois le titre exécutoire obtenu (jugement, ordonnance d’injonction devenue exécutoire, référé), priorité à l’efficacité et à la proportionnalité :
Saisie-attribution (comptes bancaires). Voie phare pour l’encaissement rapide si des avoirs bancaires existent.
- Saisie-vente (biens mobiliers). Pertinente si le patrimoine mobilier est significatif.
- Saisie des rémunérations. Procédure encadrée (barèmes) ; réforme en vigueur à compter du 1er juillet 2025 : à suivre selon les précisions officielles.
Mesures conservatoires / saisie conservatoire (gel d’actifs) quand un risque de non-recouvrement est identifié, avec conversion après titre.
Juge de l’exécution (JEX). Compétent pour les difficultés liées aux titres exécutoires et aux saisies (contestations, délais, incidents).
6) Arbre de décision (version opérationnelle)
Créance certaine + peu/aucune contestation + urgence modérée → Injonction de payer.
Créance très solide + urgence d’encaissement + contestation non sérieuse → Référé provision (et au besoin conservatoires).
Contestation sérieuse / enjeux élevés → Assignation au fond (éventuels conservatoires si risque).
Après le titre → choisir la voie d’exécution selon les actifs identifiés (banque, salaires, biens), avec pilotage commissaire de justice.
7) Bonnes pratiques de dossier
Qualité probatoire. Contrats/BC, CGV, preuves de livraison/acceptation, mise en demeure (idéalement AR), historisation des relances (mails, téléphoniques, courriers).
Cartographie des actifs. Comptes, débiteurs du débiteur (tiers saisis potentiels), stocks/biens, employeur…
Proportionnalité & image. Mesures adaptées, progressives, respect du contradictoire.
KPI & pilotage. Taux de succès par voie, lead time, coût moyen par euro recouvré, taux d’opposition IP, efficacité des saisies.
8) Exemple de scénarios (concrets)
Prestations B2B incontestées, retards récurrents. IP ou référé provision selon l’urgence ; après titre, saisie-attribution prioritaire si comptes créditeurs.
- Livraison contestée sur le fond (qualité / prix). Assignation au fond ; en parallèle, mesures conservatoires si risque d’organisation d’insolvabilité.
- Client salarié débiteur (civil). Titre exécutoire → saisie des rémunérations (réforme 2025 à intégrer dans la stratégie).
9) Coûts, accessoires et recouvrabilité
Anticiper honoraires, frais de signification/greffe, coûts d’exécution, mais aussi la récupération de pénalités de retard et de l’indemnité forfaitaire de 40 € (avec complément possible si les frais réels sont supérieurs). Le tout doit être budgété et expliqué en amont pour préserver le ratio coût/délai/risque.
À retenir
Injonction : écrite, économique, idéale si peu de contestation.
- Référé : provision rapide si l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; conservatoires possibles.
- Assignation : pour trancher le fond en cas de litige réel.
- Après le titre : déployer la bonne saisie (banque, salaires, biens) et, si besoin, solliciter le JEX.